Autisme : Rôle de la méthylation et du stress oxydatif


L’autisme est parmi les maladies les plus mal connues actuellement, plusieurs études incriminent des facteurs environnementaux tels que l’intoxication aux métaux lourds, notamment le mercure et le plomb. Des taux élevés de plomb et de mercure ont été retrouvés dans le sang, les cheveux et les ongles des enfants autistes (1, 2, 3). Mais le problème est beaucoup plus complexe qu’il n’en a l’air. En effet, d’autres études, telles que celle conduite par Pamphlet et Kum Jew (2016) (4), indiquent que le mercure ne joue pas un rôle important dans la physiopathologie de l’autisme. Les chercheurs ont analysé la teneur en mercure des échantillons des neurones du locus ceruleus. Les résultats étaient que les échantillons du groupe contrôle (sujets sains) contenaient plus de mercure que ceux du groupe expérimental (sujets autistes). Le locus ceruleus est une partie du cerveau qui est connue pour stocker du mercure. La moindre exposition au mercure est retrouvée dans les neurones du locus ceruleus à tel point que leur teneur en mercure est considérée comme un marqueur d’intoxication au mercure. Les chercheurs concluent donc que les enfants autistes n’ont pas été exposés très tôt dans leur enfance au mercure.

Le mercure serait donc la conséquence et non la cause de l’autisme ? Le sujet paraît donc plus complexe que cela. Le taux élevé de métaux lourds dans le sang, les cheveux et les ongles paraît être liés à une diminution significative de l’activité d’agents chélateurs tels que le glutathion (3) et une faible concentration des cofacteurs d’antioxydants à savoir : cuivre, zinc, magnésium et sélénium (2). Ceci n’est pas nouveau, une étude de Golse et al. (1978) avait déjà mis en exergue le rôle d’une activité anormale de la glutathion peroxydase et de la superoxyde dismutase I dans le développement de l’autisme chez les enfants de bas âge (5). Cependant, ces résultats n’étaient pas pris en compte et la communauté scientifique est parti sur l’hypothèse de l’intoxication aux métaux lourds. Ceci est un exemple concret d’un biais méthodologique très répandu même au sein de la communauté scientifique : la cause d’une maladie est l’élément (toxique) qui apparaît dans les analyses. Ce qui bien entendu est faux, du moins dans le cas de l’autisme. Les métaux lourd sont présents en grandes quantités dans les tissus des enfants autistes parce qu’il existe une autre cause qui fait que ces éléments s’accumulent dans le sang, les cheveux et autres tissus.

Hyperméthylation et autisme :

Afin de comprendre l’étiologie derrière l’autisme, il faudra s’intéresser à l’épigénétique. La méthylation est le processus métabolique par lequel les gènes sont favorisés ou réprimés (inhibés). La méthylation agit sur l’expression d’un gène en activant son promoteur ou en le désactivant. Biochimiquement parlant, il s’agit de l’ajout d’un groupement méthyle (-CH3) à certaines bases nucléiques (cytosine) au niveau de l’ADN. De ce fait, l’hyperméthylation conduit à la répression des promoteurs des gènes responsables de la synthèse des enzymes responsables de la chélation des métaux lourds et des xénobiotiques toxiques en général. A l’inverse, une hypométhylation conduit à une surexpression des gènes promoteurs d’enzymes chélateurs.

Il existe des différences épigénétiques interindividuelles qui font sont le déterminant du niveau d’hyperméthylation. Par exemple, dans une étude menée par Feinberg et al. (2015) (6), les auteurs démontrent l’existence d’un lien entre une hyperméthylation du sperme parental et l’apparition de l’autisme chez leur progéniture avec des altérations au niveau cérébélleux (cervelet). L’ADN du cervelet est systématiquement analysé dans ce genre d’études. Un autre exemple, est l’étude de Shpeleva et al. (2014) (7) où l’on a analysé des échantillons d’ADN du cervelet de souris de laboratoire atteintes d’autisme (BTBR T+tf/J mouse) et d’humains autistes (en postmortem). Les résultats étaient en faveur d’une hyperméthylation de l’ADN du cervelet des souris et des humains avec une sousexpression des gènes du [8-oxoguanine DNA-glycosylase 1] et une surexpression du [de novo DNA methyltransferases] 3a et 3b. Les méthyltransférases sont les initiateurs de la méthylation. Un taux élevé de méthyltransférases est donc la preuve d’une hyperméthylation. L’inactivation du chromosome X par l’hyperméthylation est également un facteur d’autisme (8).

Stress oxydatif et hyperméthylation :

L’hyperméthylation est la source du stress oxydatif. La méthylation empêche les gènes qui régulent la synthèse d’enzymes antioxydantes de s’exprimer. Ces enzymes sont principalement la glutathion peroxydase et la superoxyde dismutase (5, 9). Il existe des polymorphismes génétiques (SNPs) (voir article à ce sujet) qui induisent des niveaux différents de méthylation d’un individu à un autre. Les individus présentant des SNPs responsables d’hyperméthylation sont sujet à un haut niveau de stress oxydatif ce qui implique un haut risque d’autisme (10). En d’autres termes, les individus autistes présentent les plus haut niveau de méthylation. Le stress oxydatif induit par l’hyperméthylation s’impose donc comme un déterminant physiopathologique de l’autisme (10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19).

Il existe 4 cycles métaboliques qui s’articulent entre eux et qui sont impliqués dans la synthèse du glutathion et de la superoxyde dismutase :

1- Le cycle de l’urée :

Correspond à la conversion de l’arginine en citruline (+ oxyde nitrique) en passant par l’ornithine. L’orthnitine est à son tour reconvertit en arginine par l’intermédiaire de la tétrahydrobioptérine (BH4). ce qui nous ramène au deuxième cycle (celui de la BH4). il y a également production de la superoxyde dismutase à partir de ce cycle.

2- Le cycle de la tétrahydrobioptérine (BH4) :

Correspond à la conversion du tryptophane en sérotonine en présence d’arginine (cycle de l’urée) et de la BH4, et de la tyrosine en dopamine en présence de la BH4 et du tétrahydrofurane (élément essentiel du cycle de la folate).

3- Cycle de la folate :

Correspond à la méthylation du tétrahydrofurane (THF) en 5-Méthylène-THF (5MTHF) en présence de la tyrosine, elle même transformé en dopamine comme décrit lors du précédent cycle. la déméthylation du 5MTHF en THF se fait en présence de l’homocystéine, ce qui nous ramène au 4eme cycle.

4- Cycle de la méthionine :

Correspond à la transformation de la méthionine en homocystéine en présence de la créatine et de la méthionine synthase. L’inversion du cycle se fait en présence du 5MTHF du cycle précédent. L’homocystéine servira à la synthèse du glutathion.

Exemple d’induction du stress oxydatif par la méthylation :

La méthylation d’un seul gène qui exprime une enzyme impliquée dans l’un de ces 4 cycles provoque le blocage des 4 cycles simultanément car chaque cycle dépend de l’autre. Un exemple concret est celui de la méthylation du gène exprimant la méthionine synthase, enzyme responsable de la conversion de la méthionine en homocystéine (cycle de la méthionine). Cette méthylation ne provoque pas seulement l’inhibition de la production du glutathion produit à partir du 4 eme cycle mais également l’inhibition, par des réactions en chaîne, de la synthèse de la superoxyde dismutase produite à partir du 1 er cycle. Ces 4 cycles s’enchaînent parfaitement et la moindre enzyme inhibée induit l’inhibition des 4 cycles.

CONCLUSION:

La baisse des niveaux de glutathion et de superoxyde dismutase et donc du pouvoir antioxydant et détoxifiant (Phase II de la détox) provoque l’accumulation des xénobiotiques toxiques et des métaux lourds en général. Ceci est tout à fait normal vu le manque de chélateurs. En parallèle les niveaux des cofacteurs de ces chélateurs baissent (2) car il y a moins de chélateurs et le besoin de ces cofacteurs est moindre. Si cette accumulation a lieu dans le tissu nerveux (cervelet ?), les symptômes de l’autisme commencent à apparaître (6, 7). Les tests des polymorphismes génétiques pour chaque enfant permettent de  cibler les voies métaboliques altérées et ainsi de personnaliser le traitement.

Références :

1. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25461563

2. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20625937

3. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24676906

4. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26613607

5. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/751163

6. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25878217

7. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25423485

8. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/19132145

9. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20549638

10. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/16917939

11. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22005342

12. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20036015

13. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25438566

14. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22708999

15. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22374471

16. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/19306862

17. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/15585776

18. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/21519954

19. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23999529

 

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