Contexte et intérêt clinique
Les publicités autour des probiotiques vantent souvent des bénéfices allant au-delà de la santé digestive : plus d’énergie, sensation de légèreté, voire réduction des envies de sucre. Pour les professionnels de santé, il est essentiel de distinguer les faits établis des promesses marketing.
Résultats issus de la recherche animale
Plusieurs études menées sur des modèles murins ont montré que la privation de certaines bactéries intestinales (comme Lactobacillus johnsonii, L. salivarius, L. gasseri ou encore Muribaculaceae) favorisait une consommation accrue de sucres ou d’aliments riches en graisses. Leur réintroduction semblait réduire ces comportements compulsifs.
Une étude récente parue dans Nature Microbiology a apporté un éclairage mécanistique intéressant :
- La bactérie Bacteroides vulgatus produit du pantothénate (vitamine B5).
- Cette molécule stimule la sécrétion de GLP-1, hormone clé du contrôle glycémique et cible des traitements par analogues du GLP-1 (ex. sémaglutide).
- Le GLP-1 augmente la production de FGF21, une protéine agissant sur l’hypothalamus et réduisant l’attrait pour le sucre chez la souris.
Cependant, cet effet n’a été observé que chez des rongeurs dépourvus du récepteur FFAR4. Chez des animaux au système intact, la supplémentation n’a pas réduit les envies de sucre.
Limites et zones d’ombre
- Absence de validation clinique : aucun essai robuste n’a encore démontré chez l’humain que des probiotiques puissent réduire les envies de sucre.
- Variabilité interindividuelle : la composition du microbiote, la génétique et l’environnement alimentaire diffèrent fortement entre individus. Les résultats obtenus sur un modèle animal ne sont pas directement transposables.
- Potentiels effets indésirables : certaines souches comme B. vulgatus peuvent favoriser l’inflammation intestinale dans des contextes génétiques particuliers.
Implications pour la pratique médicale
À ce jour, aucune recommandation clinique ne justifie la prescription de probiotiques dans l’objectif spécifique de réduire les envies de sucre. Les messages commerciaux s’appuient principalement sur des données animales, sans preuve de transposabilité aux patients.
Conclusion
Si les découvertes sur l’axe microbiote–GLP-1 ouvrent des pistes de recherche prometteuses, la prudence reste de mise. Les professionnels de santé devraient rappeler aux patients que les probiotiques disponibles sur le marché ne sont pas testés ni validés pour la gestion des compulsions sucrées. Les approches validées — accompagnement nutritionnel, stratégies comportementales, activité physique et, dans certains cas, traitements pharmacologiques ciblant la régulation de l’appétit — demeurent les références actuelles.
Source :
Par Tina Hesman Saey Rédactrice principale, biologie moléculaire 26 février 2025
T. Zhang et al. Le récepteur des acides gras libres 4 module la préférence pour le sucre alimentaire via le microbiote intestinal. Nature Microbiology. Publié en ligne le 13 janvier 2025. doi : 10.1038/s41564-024-01902-8.
M. Nicol et al. La supplémentation en Lactobacillus salivarius et Lactobacillus gasseri réduit l’envie de sucre induite par le stress chez la souris. European Eating Disorders Review. Vol. 32, novembre 2024, p. 1041. doi : 10.1002/erv.3004.