Résumé à destination des professionnels de santé
Une étude observationnelle majeure publiée en 2023 dans le Journal of the American Heart Association remet en question l’efficacité du jeûne intermittent comme stratégie principale de gestion du poids. Contrairement à certaines hypothèses populaires, la fenêtre horaire entre le premier et le dernier repas de la journée n’a montré aucune association significative avec les variations de poids sur une période de suivi de six ans. Ce sont plutôt la fréquence des repas et leur densité calorique qui semblent constituer des facteurs déterminants.
Contexte et méthodologie
L’étude a analysé les données de 547 adultes issus de trois systèmes de santé aux États-Unis (Maryland et Pennsylvanie), avec un suivi moyen de 6,3 ans basé sur les dossiers médicaux électroniques. Les participants ont enregistré leurs horaires de sommeil, de réveil et de repas via une application mobile développée pour l’étude (Daily24), permettant une collecte de données en temps réel sur :
- La durée entre le premier et le dernier repas quotidien,
- L’intervalle entre le réveil et le premier repas,
- L’intervalle entre le dernier repas et le coucher.
Les données ont ensuite été corrélées avec les variations de poids observées dans les dossiers médicaux au cours des années de suivi.
Résultats principaux
- Aucune corrélation significative n’a été identifiée entre la fenêtre alimentaire quotidienne (durée entre premier et dernier repas) et les variations pondérales.
- Le nombre quotidien de repas moyens (500–1000 kcal) et copieux (>1000 kcal) était positivement associé à une prise de poids.
- Un nombre plus élevé de petits repas (<500 kcal) était corrélé à une perte de poids.
- Les délais entre le réveil et le premier repas, entre le dernier repas et le coucher, et la durée totale de sommeil n’étaient pas associés à une variation de poids.
- Les participants ayant un IMC plus élevé au départ étaient davantage représentés parmi les populations âgées, afro-américaines, peu actives, souffrant d’hypertension ou de diabète de type 2, et présentant une alimentation plus pauvre en fruits et légumes.
Limites de l’étude
- Étude observationnelle : aucune relation causale ne peut être établie.
- Population peu diversifiée : majoritairement composée de femmes blanches diplômées du supérieur.
- Absence de données sur les comportements alimentaires intentionnels (tentatives de perte de poids, régimes antérieurs).
- Interaction entre fréquence et horaire des repas non pleinement explorée.
Implications pour la pratique clinique
Malgré la popularité croissante du jeûne intermittent auprès du grand public, ces résultats suggèrent que la gestion du poids doit davantage s’appuyer sur la qualité nutritionnelle, la densité calorique des repas, et la fréquence alimentaire, plutôt que sur la simple réduction de la plage horaire d’alimentation.
Les recommandations actuelles de l’American Heart Association soulignent déjà l’importance de limiter l’apport calorique global, d’opter pour une alimentation saine et équilibrée, et de maintenir une activité physique régulière — des principes confirmés par cette nouvelle étude.
Conclusion
Cette recherche renforce l’idée que, chez des adultes en population générale, les stratégies de perte de poids les plus efficaces restent fondées sur la régulation de l’apport énergétique et non uniquement sur le moment de la consommation. Pour les professionnels de santé, cela signifie qu’il est essentiel de recentrer le discours nutritionnel sur les comportements alimentaires globaux, plutôt que de promouvoir des modèles restrictifs qui ne démontrent pas, à ce jour, d’efficacité supérieure à long terme.
Source :
« Association entre les intervalles des repas et du sommeil et l’évolution du poids au fil du temps : la cohorte Daily24 », par Di Zhao, Eliseo Guallar, Thomas B. Woolf, Lindsay Martin, Harold Lehmann, Janelle Coughlin, Katherine Holzhauer, Attia A. Goheer, Kathleen M. McTigue, Michelle R. Lent, Marquis Hawkins, Jeanne M. Clark et Wendy L. Bennett, 18 janvier 2023, Journal of the American Heart Association.
DOI : 10.1161/JAHA.122.026484