Dans une brillante démonstration de ce que l’acharnement scientifique (et une pincée de formol) peuvent accomplir, des chercheurs des Universités de Zurich et de Bâle ont réussi à séquencer le génome du virus de la grippe espagnole, issu d’un spécimen vieux de plus de cent ans. Pour les professionnels de santé qui auraient autre chose à faire que d’écouter des microbes morts leur raconter leur vie, voici pourquoi vous devriez quand même vous y intéresser.
La souche suisse, un ancêtre déjà bien rôdé
Le virus, prélevé en 1918 sur un jeune patient zurichois de 18 ans, présentait déjà trois mutations clés permettant une adaptation efficace à l’humain. Traduction : dès le départ, ce pathogène jouait en mode expert. Deux de ces mutations rendaient le virus plus résistant à une composante antivirale du système immunitaire humain, un peu comme s’il portait déjà une cape d’invisibilité contre nos défenses naturelles. La troisième mutation optimisait sa capacité à s’accrocher aux récepteurs cellulaires humains. En résumé, ce virus savait très bien à qui il avait affaire, et il n’était pas là pour plaisanter.
Nouvelle méthode, vieilles terreurs
Contrairement aux virus à ADN, les virus à ARN comme celui de la grippe se décomposent rapidement. C’est un peu comme s’ils utilisaient du papier toilette pour stocker leurs plans génétiques : pas l’idéal sur le long terme. Pour contourner cela, l’équipe a mis au point une nouvelle méthode de récupération d’ARN ancien. Résultat ? Une meilleure reconstruction du génome, et surtout une méthode reproductible pour d’autres virus antiques. Oui, on parle bien ici de virologie paléontologique, et non, ce n’est pas une blague.
Des collections médicales au potentiel inexploré
La recherche s’est appuyée sur des spécimens conservés dans les collections médicales de Zurich et Berlin. Ces archives, souvent négligées ou cantonnées à des couloirs poussiéreux, se révèlent être de véritables coffres-forts virologiques. C’est moche à dire, mais les cadavres ont encore beaucoup à offrir à la science.
Pourquoi ça vous concerne, vous, professionnel·le de santé en 2025
Parce que comprendre comment un virus s’adapte dès le début d’une pandémie permet de mieux modéliser la suivante. Et au rythme où ça va, il y en aura une autre, probablement pendant votre pause déjeuner. En croisant analyses génétiques et données épidémiologiques historiques, les chercheurs posent les bases d’une approche prévisionnelle plus robuste – parce que courir après le virus, c’est sympa, mais l’anticiper, c’est mieux.
Conclusion clinique : Le passé ne meurt jamais vraiment, surtout quand il est enfermé dans un bocal de formol. Et pour une fois, ce n’est pas pour nous hanter, mais pour nous aider à comprendre comment les pandémies commencent… et, potentiellement, comment les finir un peu mieux la prochaine fois.
Source : Urban, C. et al. (2025). Un ancien génome de grippe provenant de Suisse offre de nouvelles perspectives sur l’adaptation à l’hôte pendant la pandémie de grippe de 1918 en Europe. BMC Biology, publié le 31 juin 2025.