Longtemps associé uniquement à la maladie cœliaque, le gluten suscite aujourd’hui un intérêt croissant en raison de son impact potentiel sur la santé digestive, immunitaire et systémique. Les données récentes invitent les professionnels de santé à envisager le gluten non seulement comme déclencheur d’une pathologie auto-immune spécifique, mais aussi comme facteur aggravant dans des contextes cliniques plus larges.
Un perturbateur digestif et immunitaire
Le gluten, par ses protéines (gliadines et gluténines), peut induire des réactions inflammatoires au niveau de la muqueuse intestinale, même en l’absence de maladie cœliaque avérée. Plusieurs travaux suggèrent qu’il contribue à une augmentation de la perméabilité intestinale (« leaky gut »), facilitant ainsi le passage de macromolécules immunogènes dans la circulation.
Cette perméabilité accrue active le système immunitaire inné, favorisant une inflammation chronique de bas grade. Chez des patients présentant des troubles digestifs fonctionnels (syndrome de l’intestin irritable, ballonnements, douleurs abdominales), la réduction du gluten entraîne souvent une amélioration symptomatique, ce qui laisse penser à une sensibilité non-cœliaque au gluten.
Au-delà de l’intestin : des répercussions systémiques
Les conséquences ne se limitent pas au système digestif. L’inflammation induite par le gluten peut avoir des répercussions à distance :
- Articulations : douleurs inflammatoires chroniques.
- Système nerveux : fatigue, brouillard cognitif, migraines.
- Métabolisme : perturbations glycémiques et prise de poids favorisée par l’inflammation chronique.
- Immunité : dérèglements immunitaires contribuant à des terrains auto-immuns (thyroïdite de Hashimoto, dermatite herpétiforme, etc.).
Une approche individualisée
Il ne s’agit pas de généraliser une exclusion stricte pour tous, mais plutôt d’adopter une approche clinique personnalisée :
- Maladie cœliaque : exclusion totale et définitive du gluten.
- Sensibilité non-cœliaque : réduction ou suppression selon la tolérance individuelle.
- Pathologies inflammatoires chroniques : envisager un essai thérapeutique sans gluten, accompagné d’un suivi nutritionnel pour éviter toute carence.
Conclusion pour la pratique clinique
Le gluten ne doit plus être considéré uniquement sous l’angle de la maladie cœliaque. Chez de nombreux patients, il représente un facteur d’inflammation, de perméabilité intestinale et de désordres systémiques. Une évaluation fine du terrain, associée à une expérimentation clinique raisonnée, peut aider à définir le degré de réduction ou d’exclusion bénéfique pour chaque patient.
Le gluten est un perturbateur digestif et immunitaire bien au-delà de la maladie cœliaque. Chez beaucoup de personnes, il favorise l’inflammation, la perméabilité intestinale et des désordres systémiques, ce qui justifie une réduction ou exclusion selon le terrain.
Source :
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Gluten et perméabilité intestinale : la gliadine peut augmenter la perméabilité intestinale via la voie de la zonuline, même chez des non-cœliaques.
Fasano A. et al., PMC7761787, 2021 -
Sensibilité non cœliaque au gluten (NCGS) : patients présentant des symptômes digestifs et extra-digestifs (fatigue, douleurs, troubles neuro) sans maladie cœliaque ni allergie au blé.
Catassi C. et al., PMC5897856, 2017 -
Gluten comme inducteur pro-inflammatoire : altère les jonctions serrées, favorise inflammation intestinale et systémique.
Xiahe Publishing, JTG, 2023 -
Limites et controverses : absence de biomarqueur fiable pour NCGS, rôle possible d’autres composants du blé (FODMAPs, ATIs).
Uhde M. et al., PMC6182669, 2018 ; Sci Direct, 2022 -
Réponse immunitaire distincte : activation immunitaire différente de la cœliose, profil IgG particulier.
Celiac.org, 2016