Les vitamines sont des micronutriments essentiels à de nombreuses fonctions métaboliques. Cependant, leur sensibilité élevée à la lumière, à la chaleur, à l’oxygène, ainsi qu’aux variations de pH ou à certaines interactions alimentaires, en limite la stabilité, l’absorption intestinale et donc l’efficacité nutritionnelle. Ces contraintes ont conduit au développement de techniques d’encapsulation, destinées à protéger les vitamines et à en améliorer la libération et l’absorption au niveau digestif. Cette revue des données récentes met en lumière l’intérêt croissant pour l’encapsulation des vitamines dans des systèmes tels que les liposomes, les émulsions, les gels ou les nanocapsules, en lien avec leur stabilité, leur bioaccessibilité et leur biodisponibilité.
Les vitamines : des nutriments à la fois essentiels et fragiles
Les vitamines jouent un rôle fondamental dans la régulation des fonctions métaboliques et dans le maintien de l’homéostasie. Or, plus de deux milliards de personnes dans le monde souffrent de carences en vitamines, toutes classes confondues (Karbalaei-Saleh et al., 2024). Malgré l’enrichissement croissant des aliments en micronutriments, la stabilité des vitamines dans les matrices alimentaires et au cours de la digestion reste un défi majeur.
Ces substances sont particulièrement vulnérables à l’oxydation, aux traitements thermiques et aux interactions avec d’autres composants (protéines, minéraux…), ce qui diminue leur disponibilité biologique. Certaines vitamines liposolubles, comme les vitamines D et E, présentent en outre une faible solubilité, compliquant leur incorporation dans les systèmes alimentaires classiques.
L’encapsulation : une stratégie fonctionnelle pour protéger et libérer les vitamines
L’encapsulation consiste à enfermer un composé bioactif (ici, la vitamine) dans une matrice polymérique (le matériau de paroi), naturelle ou synthétique. Cette technique permet :
- de protéger les vitamines contre les conditions environnementales défavorables (chaleur, lumière, oxygène),
- de moduler leur libération au cours de la digestion,
- d’améliorer leur solubilité et leur assimilation.
Parmi les matériaux d’encapsulation utilisés figurent :
- des polysaccharides (gomme arabique, pectine, amidon modifié, alginate, carraghénanes),
- des protéines (isolats de protéines de lactosérum, caséinate de sodium, gélatine),
- des lipides (cire, huiles végétales, acides gras).
Stabilité, bioaccessibilité et biodisponibilité : ce que montrent les études récentes
Stabilité
Certaines structures offrent des niveaux élevés de protection contre la dégradation :
- Les liposomes et oléogels assurent plus de 80 % de stabilité pour la vitamine C.
- Les systèmes à base d’émulsion maintiennent plus de 70 % de stabilité pour la vitamine A.
Bioaccessibilité
La bioaccessibilité correspond à la quantité de vitamine libérée et disponible pour l’absorption dans l’intestin après digestion :
- Les systèmes nanoencapsulés permettent une bioaccessibilité de 75 à 88 %.
- La vitamine D encapsulée dans des nanostructures peut voir sa translocation cellulaire augmentée jusqu’à 5 fois, par rapport à la forme libre.
Biodisponibilité
La biodisponibilité reflète la quantité de vitamine réellement absorbée et utilisable par l’organisme :
- Les microcapsules obtenues par spray séchage augmentent la biodisponibilité de la vitamine B12 jusqu’à 1,5 fois.
- Les interactions positives avec certaines protéines (ex. caséines) et le microbiote intestinal peuvent favoriser l’absorption de la vitamine D malgré les variations de pH ou les troubles digestifs.
Applications pratiques et perspectives cliniques
L’encapsulation des vitamines est de plus en plus envisagée dans la formulation de compléments nutritionnels, d’aliments fonctionnels ou de nutraceutiques, notamment pour les populations à risque : personnes âgées, patients dénutris, pathologies inflammatoires ou digestives chroniques.
Pour les professionnels de santé, cette technologie peut offrir des solutions concrètes afin :
- d’améliorer l’efficacité des suppléments vitaminiques,
- de réduire les doses administrées grâce à une meilleure biodisponibilité,
- d’optimiser la supplémentation dans des contextes cliniques spécifiques.
Les résultats disponibles restent essentiellement in vitro ou issus de modèles animaux, mais de nombreuses études cliniques sont en cours pour valider ces approches.
Conclusion
L’encapsulation des vitamines constitue une avancée prometteuse dans le domaine de la nutrition et de la santé publique. En permettant une meilleure protection, libération contrôlée et absorption intestinale des vitamines, ces systèmes ouvrent la voie à des formulations plus efficaces, mieux tolérées et adaptées aux besoins spécifiques des patients. L’enjeu pour les années à venir sera de transposer ces résultats en applications cliniques validées, avec un encadrement réglementaire clair et une évaluation rigoureuse des bénéfices santé.
Source : Food Chemistry, Elsevier, article disponible sur ScienceDirect : https://doi.org/10.1016/j.foodchem.2025.139939