Un simple additif alimentaire utilisé couramment dans l’industrie agroalimentaire, la gomme xanthane, pourrait bien révolutionner la recherche en neurodéveloppement. Grâce à cette solution innovante et étonnamment accessible, des chercheurs de l’Institut Wu Tsai en neurosciences à Stanford ont surmonté un obstacle majeur dans la production de masse d’organoïdes cérébraux humains — une avancée qui pourrait ouvrir la voie à de nouveaux traitements pour les troubles neuropsychiatriques et à une meilleure évaluation de la sécurité médicamenteuse chez les populations vulnérables.
Depuis 2018, le Stanford Brain Organogenesis Program développe des modèles cérébraux tridimensionnels à partir de cellules souches, appelés organoïdes et assembloïdes. Ces structures imitent certaines caractéristiques du cerveau humain en développement, permettant une exploration approfondie de circuits neuronaux, des mécanismes de la douleur, ou encore des bases génétiques de troubles tels que l’autisme.
Le défi de l’échelle
Cependant, un problème technique ralentissait considérablement l’expansion des recherches : les organoïdes avaient tendance à fusionner entre eux durant leur développement, compromettant la standardisation et la reproductibilité des expériences. Ce phénomène rendait difficile la culture d’un grand nombre d’organoïdes de taille homogène — une condition pourtant essentielle pour la recherche translationnelle à grande échelle et les criblages pharmacologiques.
Face à ce défi, une équipe dirigée par le Pr Sergiu Pasca (psychiatre) et la Pr Sarah Heilshorn (ingénieure en biomatériaux) a testé 23 matériaux biocompatibles. Leur objectif ? Trouver une solution simple, non toxique, bon marché, et facilement reproductible. C’est la gomme xanthane, un polysaccharide utilisé notamment pour épaissir les sauces et les produits sans gluten, qui s’est révélée être la réponse inattendue mais efficace.
Une solution simple pour une révolution technologique
L’ajout de petites quantités de gomme xanthane au milieu de culture empêche la fusion des organoïdes sans altérer leur développement biologique. Cette méthode permet désormais de générer des milliers d’organoïdes corticaux en parallèle, tout en garantissant leur uniformité — une condition cruciale pour les tests pharmacologiques de précision.
Des applications concrètes en pharmacovigilance
Pour démontrer le potentiel de cette approche, l’équipe a cultivé 2 400 organoïdes corticaux et les a exposés à 298 médicaments approuvés par la FDA, afin de détecter d’éventuelles altérations du développement cérébral. Les résultats sont parlants : certains composés, dont un médicament utilisé en oncologie mammaire, ont entraîné des anomalies de croissance, suggérant des effets indésirables potentiels sur le cerveau en développement.
Ces données illustrent la capacité de ces modèles à identifier des effets secondaires jusque-là inaccessibles via les approches conventionnelles, notamment chez les populations pédiatriques ou enceintes, traditionnellement exclues des essais cliniques.
Perspectives en psychiatrie et neurologie
À terme, cette avancée pourrait accélérer la compréhension et le traitement de pathologies telles que l’épilepsie, la schizophrénie, ou encore les troubles du spectre autistique. Comme le souligne le Pr Pasca : « Il est crucial de produire ces organoïdes à grande échelle si nous voulons réellement faire progresser la recherche sur les troubles neurodéveloppementaux. »
Un outil désormais accessible à tous
Fidèle à l’esprit de science ouverte, l’équipe a rendu sa méthode publique, permettant à de nombreux laboratoires dans le monde de l’adopter. Cela marque une étape majeure vers la standardisation des études sur les organoïdes cérébraux et ouvre de nouvelles perspectives en recherche biomédicale.
Source :
Genta Narazaki, Yuki Miura, Sergey D. Pavlov, Mayuri Vijay Thete, Julien G. Roth, Merve Avar, Sungchul Shin, Ji-il Kim, Zuzana Hudacova, Sarah C. Heilshorn et Sergiu P. Pașca. Production à grande échelle d’organoïdes corticaux humains à l’aide d’un polymère biocompatible. Nature Biomedical Engineering, 27 juin 2025.
DOI : 10.1038/s41551-025-01427-3