La vitamine K2 est longtemps restée dans l’ombre de sa sœur, la vitamine K1, principalement connue pour son rôle dans la coagulation sanguine. Pourtant, la K2 possède des fonctions beaucoup plus vastes et fondamentales. Elle agit comme un régulateur du métabolisme calcique, reliant intimement la santé des os, des dents et du système cardiovasculaire.
Son déficit, fréquent dans les régimes modernes, constitue un facteur silencieux de fragilité osseuse et de calcification artérielle.
1. Un rôle biologique précis et essentiel
La vitamine K2 (ou ménaquinone) active deux protéines dépendantes de la vitamine K :
- L’ostéocalcine, synthétisée par les ostéoblastes, qui permet la fixation du calcium sur la matrice osseuse. Sans K2, cette protéine reste inactive et le calcium ne peut pas être correctement intégré dans les os.
- La MGP (Matrix Gla Protein), présente dans les parois artérielles, qui empêche le dépôt de calcium dans les vaisseaux sanguins.
Autrement dit, la vitamine K2 oriente le calcium vers les bons tissus (os, dents) et l’empêche de se déposer dans les mauvais (artères, reins, tissus mous). Ce rôle de “chef d’orchestre du calcium” fait d’elle une hormone nutritionnelle indispensable à la prévention simultanée de deux fléaux modernes : l’ostéoporose et l’artériosclérose.
2. Conséquences d’une carence en vitamine K2
La carence en K2 est très répandue, même dans les pays développés, pour plusieurs raisons :
- Alimentation appauvrie en produits fermentés, principale source naturelle de K2.
- Flore intestinale déséquilibrée, conséquence de l’usage répété d’antibiotiques et de la consommation d’aliments ultra-transformés.
- Vieillissement, qui réduit la conversion des formes courtes de K2 (MK-4) en formes longues (MK-7) plus biodisponibles.
- Carence en vitamine D, qui agit en synergie avec la K2 dans le transport du calcium.
Ce déficit se traduit par :
- Une diminution de la densité minérale osseuse, donc un risque accru de fractures.
- Une calcification artérielle progressive, favorisant l’hypertension et les maladies coronariennes.
- Des troubles dentaires, liés à une minéralisation insuffisante.
3. La synergie K2 – D3 – calcium : un équilibre à préserver
La compréhension du triptyque vitamine D3 – calcium – K2 est essentielle en pratique clinique.
- La vitamine D3 augmente l’absorption intestinale du calcium.
- La vitamine K2 s’assure que ce calcium se fixe là où il doit, c’est-à-dire dans les os et les dents.
Sans K2, la supplémentation en D3 et en calcium peut paradoxalement accroître les dépôts calciques vasculaires, aggravant le risque cardiovasculaire.
Ainsi, la supplémentation isolée en vitamine D ou en calcium sans K2 peut être contre-productive. C’est la combinaison harmonieuse des trois qui garantit la santé osseuse et vasculaire.
4. Les meilleures sources alimentaires de vitamine K2
Les apports recommandés varient selon les études, mais les sources les plus riches sont :
- Le natto (plat japonais à base de soja fermenté, très riche en MK-7).
- Les fromages fermentés à pâte dure (gouda, brie, emmental).
- Le foie animal et le jaune d’œuf.
- Certaines viandes issues d’animaux nourris à l’herbe.
Les formes les plus actives sont :
- MK-4 (courte chaîne), d’origine animale, à action rapide.
- MK-7 (longue chaîne), issue de la fermentation, à demi-vie plus longue et à effet prolongé.
5. Implications cliniques et pistes thérapeutiques
Plusieurs études ont montré que la supplémentation en vitamine K2 peut :
- Augmenter la densité osseuse et réduire le risque de fracture chez les femmes ménopausées.
- Réduire la calcification artérielle, améliorant ainsi la souplesse vasculaire.
- Renforcer la synergie avec la vitamine D, optimisant la régulation calcique globale.
Les professionnels de santé devraient envisager une évaluation du statut en vitamine K2 chez :
- Les patients ostéoporotiques ou à risque cardiovasculaire.
- Les sujets âgés ou sous anticoagulants (attention à la surveillance).
- Les personnes supplémentées en vitamine D sur le long terme.
6. Vers une nouvelle approche de la prévention métabolique
La vitamine K2 illustre parfaitement le besoin de dépasser les approches fragmentées de la nutrition clinique.
Elle ne se limite pas à un rôle complémentaire : elle agit comme un régulateur métabolique central, reliant santé osseuse, immunité, équilibre hormonal et fonction cardiovasculaire.
Ignorer la K2 dans une stratégie de prévention ou de supplémentation revient à laisser le calcium sans guide, au risque de transformer un nutriment essentiel en facteur pathologique.
Références
- Vermeer C. et al. Vitamin K: the effect on health beyond coagulation – an overview. Food & Nutrition Research, 2012.
- Beulens J.W.J. et al. Vitamin K intake and risk of cardiovascular disease. Journal of Nutrition, 2013.
- Knapen M.H.J. et al. Effect of vitamin K2 supplementation on postmenopausal women with osteopenia. Osteoporosis International, 2015.
- Schurgers L.J. & Vermeer C. Vitamin K2: metabolism and function in health and disease. BioFactors, 2000.
- Fusaro M. et al. Vitamin K and vascular calcification in chronic kidney disease and beyond. Atherosclerosis, 2017.