Un simple complément en vitamine B3, disponible sans ordonnance, pourrait bien s’ajouter à l’arsenal de prévention du cancer cutané non mélanome. C’est ce que suggèrent de nouvelles analyses rétrospectives, publiées dans JAMA Dermatology, portant sur plus de 33 000 anciens combattants américains.
Les résultats indiquent que la prise orale de nicotinamide (500 mg deux fois par jour) serait associée à une réduction de 14 % du risque global de développer un nouveau cancer de la peau. Le bénéfice semble encore plus marqué chez les patients initiant le traitement après un premier diagnostic de cancer cutané, avec une réduction de près de 50 % du risque de récidive.
Qu’est-ce que le nicotinamide ?
Le nicotinamide, ou niacinamide, est une forme non-flush de vitamine B3 (distincte de la niacine). Ce dérivé hydrosoluble est un précurseur du NAD⁺, cofacteur essentiel dans la production d’énergie cellulaire et la réparation de l’ADN. En dermatologie, il est reconnu pour améliorer la réparation de l’ADN après une exposition aux UV et atténuer l’immunosuppression induite par les UV, deux mécanismes clés dans la prévention des cancers cutanés.
Méthodologie de l’étude
L’étude repose sur l’analyse rétrospective des dossiers médicaux électroniques de la Veterans Affairs (VA), entre octobre 1999 et décembre 2024. Sur les 33 822 patients inclus, 12 287 avaient reçu du nicotinamide (500 mg 2x/jour pendant plus de 30 jours) et 21 479 n’avaient pas été exposés.
Un appariement par score de propension a permis d’ajuster les groupes selon des variables susceptibles d’influencer le risque de cancer cutané : âge, sexe, antécédents de cancer cutané, traitements systémiques ou topiques, immunosuppression (leucémie lymphoïde chronique, transplantation d’organe).
Des modèles de Cox stratifiés ont ensuite évalué le délai jusqu’à l’apparition d’un nouveau cancer cutané, selon le type histologique.
Résultats principaux
- Réduction globale du risque : 14 % de baisse du risque de tout nouveau cancer cutané chez les patients prenant du nicotinamide.
- Effet lié au moment d’initiation : chez les patients ayant commencé après un premier cancer cutané, le risque de récidive était réduit de 54 %. Cet effet protecteur diminuait si le traitement était commencé après plusieurs cancers.
- Par type de cancer : la réduction du risque était significative pour les carcinomes basocellulaires et surtout les carcinomes épidermoïdes cutanés (cSCC), avec plus de 20 % de baisse du risque pour ces derniers.
- Chez les patients transplantés : aucun effet significatif global n’a été observé, bien qu’un effet bénéfique précoce sur le cSCC ait été noté dans certains sous-groupes.
Implications cliniques
Le nicotinamide oral apparaît comme une option simple, bien tolérée et peu coûteuse pour réduire modérément le risque de cancer cutané non mélanome, en complément des mesures classiques de photoprotection. Son accessibilité en vente libre, sa tolérance (aucun effet secondaire majeur observé dans les études cliniques), et sa facilité d’administration en font un adjuvant intéressant, notamment chez les patients à haut risque (antécédents de cSCC, phototypes clairs, exposition solaire chronique).
Cependant, les auteurs soulignent que cette étude repose sur des données rétrospectives, essentiellement issues d’une population âgée, blanche et masculine. Des essais cliniques randomisés supplémentaires sont nécessaires pour confirmer ces résultats et évaluer la généralisabilité du bénéfice à d’autres groupes (jeunes adultes, femmes, personnes immunodéprimées…).
Conclusion
Sans remplacer la prévention solaire ni le suivi dermatologique régulier, le nicotinamide pourrait devenir un outil complémentaire de prévention chez certains patients. Pour les professionnel·le·s de santé, il représente une option simple à considérer dans la stratégie globale de réduction du risque de cancer cutané, en particulier après un premier épisode de cSCC ou de CBC.
Source :
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« La nicotinamide pour la chimioprévention du cancer de la peau » par Kimberly F. Breglio, Katlyn M. Knox, Jonathan Hwang, Rachel Weiss, Kyle Maas, Siwei Zhang, Lydia Yao, Chris Madden, Yaomin Xu, Rebecca I. Hartman et Lee Wheless, 17 septembre 2025, JAMA Dermatology.
DOI : 10.1001/jamadermatol.2025.3238 -
« La nicotinamide pour la chimioprévention du cancer de la peau » par Sarah T. Arron, 17 septembre 2025, JAMA Dermatology.
DOI : 10.1001/jamadermatol.2025.3237