Le sélénium est un oligo-élément essentiel, présent en très faible quantité dans l’organisme mais impliqué dans des fonctions vitales. Cofacteur de plusieurs sélénoprotéines, il joue un rôle déterminant dans la protection antioxydante, la santé thyroïdienne, la prévention cardiovasculaire et la stabilité du génome.
Pourtant, malgré son importance, il reste l’un des nutriments les plus négligés en pratique clinique. Et comme souvent, l’équilibre est crucial : un déficit favorise le stress oxydatif, mais un excès devient toxique et pro-oxydant.
1. Le sélénium : un élément clé du système antioxydant
Le sélénium est intégré à la structure de nombreuses enzymes antioxydantes, notamment :
- La glutathion peroxydase (GPx), qui neutralise les radicaux libres et protège les membranes lipidiques.
- La thioredoxine réductase, essentielle au maintien du potentiel redox intracellulaire.
- La sélénoprotéine P, impliquée dans le transport du sélénium et la défense contre l’oxydation systémique.
Ces enzymes participent à la protection contre le stress oxydatif, la prévention de l’inflammation chronique et la réduction des lésions de l’ADN à l’origine du vieillissement cellulaire et des maladies dégénératives.
2. Un acteur essentiel du métabolisme thyroïdien
La thyroïde est l’organe le plus riche en sélénium par gramme de tissu. Ce dernier intervient dans la conversion de la thyroxine (T4) en triiodothyronine (T3) via les enzymes iodothyronine déiodinases, elles-mêmes sélénodépendantes.
Un déficit en sélénium entraîne :
- Une hypo-conversion de T4 en T3, aggravant les symptômes d’hypothyroïdie.
- Une accumulation de peroxydes d’hydrogène dans la thyroïde, favorisant les lésions auto-immunes (Hashimoto, Basedow).
Le sélénium agit donc comme modulateur immunitaire et antioxydant thyroïdien, protégeant les cellules folliculaires contre l’auto-immunité.
3. Rôle dans la prévention cardiovasculaire et métabolique
En régulant le stress oxydatif et l’inflammation, le sélénium participe à la prévention des maladies cardiovasculaires :
- Réduction de l’oxydation du LDL-cholestérol.
- Diminution de l’agrégation plaquettaire.
- Protection endothéliale via la glutathion peroxydase et la sélénoprotéine P.
Une carence chronique en sélénium est associée à une augmentation du risque de cardiomyopathie, d’hypertension et de syndrome métabolique.
4. Sélénium et immunité : un équilibre délicat
Le sélénium renforce la réponse immunitaire antivirale et anti-inflammatoire en stimulant la prolifération lymphocytaire et la production d’interférons.
Cependant, une supplémentation excessive peut produire l’effet inverse :
- Induction d’un stress oxydatif.
- Altération du métabolisme de la vitamine E.
- Perturbation du fonctionnement hépatique.
Cet effet « en U » signifie que trop peu ou trop de sélénium sont tous deux délétères.
5. Sources et recommandations
Les meilleures sources alimentaires de sélénium sont :
- Les noix du Brésil (très concentrées, à consommer avec modération).
- Les poissons gras et fruits de mer.
- Les abats, œufs et céréales complètes.
Les besoins moyens chez l’adulte sont estimés entre 55 et 70 µg/jour, selon les recommandations européennes. Une seule noix du Brésil peut parfois fournir l’apport quotidien, voire davantage.
6. Sélénose : la face toxique de l’excès
Un excès chronique, souvent lié à une supplémentation non contrôlée, provoque une sélénose, caractérisée par :
- Chute de cheveux et fragilité des ongles.
- Fatigue, troubles digestifs, haleine à odeur d’ail.
- Neuropathies périphériques et atteintes hépatiques.
La toxicité apparaît généralement au-delà de 400 µg/jour, bien au-dessus des apports physiologiques.
Conclusion
Le sélénium est un régulateur métabolique et antioxydant majeur, indispensable au bon fonctionnement de la thyroïde, du système immunitaire et du cœur.
Sa double nature – protectrice à dose physiologique et toxique à forte dose – impose une approche raisonnée et personnalisée, surtout dans un contexte de médecine préventive et intégrative.
Pour les professionnels de santé, l’évaluation du statut sélénique doit être envisagée chez les patients présentant fatigue chronique, troubles thyroïdiens ou maladies métaboliques.
Références
- Rayman M.P. The importance of selenium to human health. The Lancet, 2012.
- Köhrle J. et al. Selenium and thyroid hormone biosynthesis. Endocrine Reviews, 2020.
- Steinbrenner H. et al. Selenium and inflammation: a double-edged sword. Free Radical Biology & Medicine, 2021.
- Vinceti M. et al. Selenium and cardiovascular disease: systematic review and meta-analysis. Nutrients, 2018.
- Hatfield D.L. et al. Selenium: its molecular biology and role in human health. Springer, 2022.