Une étude conjointe menée par Emory University et le Baylor College of Medicine, publiée en 2025 dans npj Aging, suggère que la psilocybine, connue principalement pour ses effets psychotropes, pourrait également avoir un impact majeur sur le vieillissement cellulaire. Les résultats indiquent une prolongation significative de la durée de vie de cellules humaines in vitro, ainsi qu’une amélioration de la survie chez des souris âgées traitées régulièrement. Ces données ouvrent un champ de recherche inédit : l’utilisation potentielle des psychédéliques dans la médecine du vieillissement.
Contexte
La psilocybine, principal composé actif des champignons hallucinogènes du genre Psilocybe, a suscité un intérêt croissant dans le traitement de troubles psychiatriques tels que la dépression résistante ou l’anxiété en soins palliatifs. Son mécanisme d’action, principalement via les récepteurs 5-HT2A de la sérotonine, est bien documenté en neurosciences. En revanche, son impact potentiel sur les mécanismes du vieillissement cellulaire n’avait jusqu’ici jamais été étudié de façon expérimentale.
Méthodologie
Les chercheurs ont exposé des fibroblastes humains (pulmonaires et cutanés) à du psilocin, métabolite actif de la psilocybine. Ils ont observé un ralentissement marqué de la sénescence cellulaire, comparé à des cellules témoins non traitées.
En parallèle, des souris âgées ont reçu une dose mensuelle de psilocybine pendant plusieurs mois. Résultats :
- Le taux de survie à 10 mois est passé de 50 % dans le groupe contrôle à 80 % dans le groupe traité.
- Les souris traitées ont présenté moins de signes extérieurs de vieillissement, notamment au niveau de la perte de pelage et de la décoloration.
Hypothèses mécanistiques
Bien que les mécanismes cellulaires précis restent à élucider, plusieurs pistes sont évoquées :
- Modulation du stress oxydatif et des dommages mitochondriaux
- Amélioration des mécanismes de réparation de l’ADN
- Effet indirect via l’axe neuro-immunitaire, en lien avec l’inflammation chronique liée à l’âge (inflammaging)
L’interaction avec les récepteurs sérotoninergiques pourrait jouer un rôle régulateur plus large que prévu, dépassant les seules fonctions neurologiques.
Limites et perspectives
Il s’agit d’une étude préclinique, dont les effets doivent être reproduits à plus grande échelle, notamment chez l’humain. De plus, le profil pharmacologique de la psilocybine implique une prudence particulière, notamment en raison de ses effets psychotropes.
Néanmoins, ces résultats permettent d’envisager :
- Des protocoles de microdosage contrôlés dans un contexte non psychiatrique
- Une évaluation de l’effet de la psilocybine sur les biomarqueurs de l’âge biologique
- L’ouverture d’une nouvelle classe de thérapeutiques potentielles contre les maladies dégénératives liées à l’âge
Conclusion
Cette étude représente une avancée conceptuelle importante dans le domaine de la biologie du vieillissement. Si ces effets sont confirmés dans des modèles humains, la psilocybine pourrait trouver sa place, sous supervision médicale rigoureuse, dans une future stratégie intégrative de la médecine du vieillissement.
Elle invite également à reconsidérer l’usage des psychédéliques au-delà du champ psychiatrique, en tant qu’agents modulateurs du vieillissement cellulaire et systémique.
Source : Kato, K., Kleinhenz, J.M., Shin, Y.J. et al. Le traitement à la psilocybine prolonge la durée de vie cellulaire et améliore la survie des souris âgées. npj Aging, volume 11, article 55 (2025).