Contexte et intérêt médical
Alors que l’obésité et les maladies métaboliques progressent dans le monde, une étude publiée dans Science Advances apporte un éclairage surprenant : les orangs-outans, nos plus proches cousins après les chimpanzés et gorilles, disposent de stratégies alimentaires et comportementales remarquablement efficaces pour maintenir un équilibre énergétique malgré des fluctuations extrêmes de ressources.
Ces résultats, issus de 15 années d’observations sur les orangs-outans de Bornéo, montrent que ces primates parviennent à éviter la prise de poids excessive et les déséquilibres métaboliques grâce à une combinaison d’adaptations nutritionnelles, physiologiques et comportementales.
Les stratégies des orangs-outans
- Adaptation alimentaire : en période d’abondance, les orangs-outans privilégient les fruits riches en glucides et lipides tout en maintenant un apport constant en protéines. Lorsque les fruits se raréfient, ils se tournent vers les feuilles, écorces et graines, sources de protéines mais moins caloriques.
- Flexibilité métabolique : lors des périodes de pénurie, ils mobilisent leurs réserves de graisses et de protéines musculaires pour maintenir leurs fonctions vitales.
- Adaptation comportementale : afin de préserver leur énergie, ils réduisent leurs déplacements, dorment plus et limitent leurs interactions sociales.
Cette combinaison d’« épargne énergétique » et de rééquilibrage nutritionnel leur permet de reconstruire leurs réserves lorsque les fruits redeviennent abondants, tout en évitant les effets délétères d’une alimentation trop riche prolongée.
Enseignements pour la santé humaine
Chez l’humain, une alimentation occidentale moderne, riche en produits transformés, sucre et graisses, perturbe ces mécanismes de flexibilité métabolique. Contrairement aux orangs-outans, les périodes de restriction naturelle sont inexistantes, ce qui favorise la prise de poids et augmente le risque de diabète et de maladies cardiovasculaires.
Cette étude rappelle plusieurs points essentiels pour la pratique clinique et la prévention :
- L’importance d’un apport protéique constant pour la régulation métabolique.
- Le rôle de la variabilité énergétique (abondance et restriction) dans la prévention du stress oxydatif et de l’obésité, comparable aux bénéfices observés avec le jeûne intermittent.
- L’adaptation de la dépense énergétique : contrairement aux humains sédentaires, les orangs-outans ajustent leur activité à leur apport calorique.
Implications en santé publique
Comprendre ces mécanismes naturels peut inspirer des approches nutritionnelles plus équilibrées et plus respectueuses des rythmes biologiques humains. La flexibilité métabolique, qui s’estompe avec une alimentation trop homogène et riche en calories, constitue une cible importante pour la prévention des maladies chroniques.
Enfin, cette recherche souligne aussi un enjeu de conservation : la survie des orangs-outans et de leurs habitats, véritables laboratoires naturels, est essentielle pour continuer à apprendre de ces espèces sur notre propre santé.
Source :
Matériel fourni par l’Université Rutgers
Référence :
Erin R. Vogel, Shauhin E. Alavi, Malcolm Watford, Rebecca S.A. Brittain, Brooke E. Crowley, Daniel J. Naumenko, William D. Aguado, Timothy D. Bransford, Astri Zulfa, Alysse Moldawer, Wartika Rosa Farida, Maria A. van Noordwijk, Tatang Mitra Setia, Sri Suci Utami Atmoko, Jessica M. Rothman, David Raubenheimer.
Titre de l’étude :
Réponses intégrées comportementales et métaboliquement flexibles des orangs-outans sauvages aux variations alimentaires induites par l’écologie
(Integrated behavioral and metabolically flexible responses of wild orangutans to ecologically driven dietary variation)
DOI : 10.1126/sciadv.adv7613