Une avancée majeure dans le traitement de la maladie de Crohn émerge grâce à la compréhension approfondie du rôle du microbiome intestinal. Des chercheurs de la Technical University of Munich (TUM) et du Dr. von Hauner Children’s Hospital (LMU University Hospital Munich) ont mis en lumière le mécanisme d’action d’une diète liquide spécifique – appelée nutrition entérale exclusive (NEE) – et développent désormais une approche novatrice basée sur le transfert de microbiome fécal.
Qu’est-ce que la nutrition entérale exclusive ?
La nutrition entérale exclusive consiste à remplacer intégralement l’alimentation solide par une formule liquide contenant l’ensemble des nutriments essentiels : vitamines, minéraux, protéines, glucides et acides gras. Cette thérapie est particulièrement efficace chez les patients atteints de la maladie de Crohn, notamment chez les enfants et les adolescents. Elle permet non seulement de réduire l’inflammation intestinale, mais aussi de favoriser la croissance et la cicatrisation de la paroi digestive.
Comment la NEE agit-elle sur le microbiome ?
Jusqu’à récemment, le mécanisme précis de la NEE restait mal compris. Les chercheurs ont constaté que les acides gras à chaîne moyenne présents dans la formule influencent positivement certaines bactéries intestinales. Ces dernières, en se multipliant, contribuent à diminuer l’inflammation. Des expérimentations menées dans un modèle intestinal artificiel ont montré que, lorsqu’un microbiome préalablement “adapté” par cette diète est transféré chez la souris, il ne provoque aucune inflammation. À l’inverse, un microbiome non adapté déclenche des symptômes inflammatoires typiques de la maladie de Crohn.
Vers une nouvelle thérapie : le transfert de microbiome fécal
Bien que la nutrition entérale exclusive induise une amélioration rapide chez de nombreux patients, les rechutes restent fréquentes dans l’année qui suit. Pour prolonger les effets bénéfiques de cette “réinitialisation” du microbiome, les chercheurs initient aujourd’hui une étude clinique combinant la diète NEE et le transfert de microbiome fécal.
Le principe du transfert de microbiome fécal (ou “transplantation fécale”) consiste à recueillir la flore intestinale de donneurs sains soigneusement sélectionnés, puis à la transformer en gélules administrées aux patients à l’issue de la période de NEE. Dans ce projet, les gélules sont préparées à l’hôpital universitaire de Cologne par l’équipe de la Professeure Maria J.G.T. Vehreschild, également partie prenante de l’étude.
Des perspectives prometteuses pour la maladie de Crohn
L’objectif principal est de maintenir au maximum l’état de rémission obtenu par la nutrition entérale exclusive et de prévenir la réapparition rapide de l’inflammation. Les chercheurs entendent répondre à plusieurs questions :
• Le transfert de microbiome fécal, après la diète NEE, est-il sans danger ?
• Cette procédure est-elle réalisable à grande échelle pour les patients ?
• Peut-elle stabiliser l’amélioration clinique ou du moins retarder les rechutes ?
Si ce nouveau protocole s’avère concluant, il ouvrira la voie à des traitements plus durables, en aidant à reconstruire et à maintenir un microbiome intestinal plus sain chez les personnes souffrant de la maladie de Crohn. Cette avancée pourrait ainsi représenter une étape décisive vers une meilleure prise en charge de la maladie et un soulagement à long terme pour de nombreux patients.