Le glyphosate, herbicide le plus utilisé au monde depuis les années 1970, est devenu un symbole de l’agriculture intensive moderne. Présent dans des produits comme le Roundup, il est appliqué massivement sur les cultures céréalières, oléagineuses, fruitières et même dans les espaces urbains. Si son efficacité herbicide est incontestable, son innocuité pour la santé humaine, elle, est loin d’être démontrée. Aujourd’hui, la littérature scientifique converge vers un constat alarmant : le glyphosate agit comme un perturbateur endocrinien, un immunotoxique et un destructeur majeur du microbiote intestinal, avec des répercussions profondes et multifactorielles sur la santé publique.
1. Le glyphosate, un perturbateur endocrinien insidieux
Le glyphosate interfère avec le système hormonal en mimant ou en bloquant l’action des hormones naturelles. Plusieurs études ont montré qu’il perturbe les récepteurs des œstrogènes, de la testostérone et des hormones thyroïdiennes, entraînant des déséquilibres métaboliques et reproductifs.
Chez l’animal comme chez l’humain, l’exposition chronique, même à de faibles doses, est associée à :
- une altération de la spermatogenèse et une diminution de la fertilité,
- des troubles du développement fœtal et infantile,
- une dysrégulation de la thyroïde, essentielle à la croissance et au métabolisme.
Ces perturbations hormonales peuvent contribuer à l’augmentation de certaines pathologies endocriniennes, métaboliques et neurologiques observées dans les populations exposées.
2. Un immunotoxique favorisant inflammation et vulnérabilité
Le glyphosate induit un stress oxydatif cellulaire, générant des radicaux libres qui endommagent l’ADN, les protéines et les membranes cellulaires. Ce mécanisme, couplé à une activation chronique du système immunitaire, contribue à un état inflammatoire de bas grade.
Les conséquences à long terme incluent :
- une augmentation du risque de maladies auto-immunes (thyroïdite, polyarthrite, sclérose en plaques),
- une baisse de la résistance immunitaire face aux infections,
- une contribution à la carcinogenèse par altération des mécanismes de réparation de l’ADN.
Ces effets, bien documentés dans les études de toxicologie environnementale, soulignent la nécessité d’une approche de précaution dans la gestion des expositions répétées, notamment chez les populations sensibles (enfants, femmes enceintes, travailleurs agricoles).
3. Le microbiote intestinal : une cible silencieuse mais capitale
Le glyphosate possède une activité antibactérienne puissante, mais non sélective. Il agit en inhibant la voie du shikimate, essentielle à la synthèse d’acides aminés aromatiques chez les bactéries. Résultat :
- destruction des bactéries bénéfiques (Lactobacillus, Bifidobacterium),
- prolifération de bactéries pathogènes (Clostridium, Salmonella),
- déséquilibre du microbiote (dysbiose) menant à une perméabilité intestinale accrue.
Cette altération du microbiote a des répercussions systémiques : inflammation chronique, dérégulation immunitaire, troubles neuropsychiques via l’axe intestin-cerveau, et augmentation du risque de maladies métaboliques et neurodégénératives.
4. Une exposition diffuse et sous-estimée
Le glyphosate est aujourd’hui détecté dans l’eau potable, les produits céréaliers, les légumineuses, les fruits, mais aussi dans l’air et l’urine de nombreuses populations. Sa persistance environnementale et son usage massif entraînent une exposition chronique, souvent involontaire.
Selon certaines analyses indépendantes, plus de 80 % des échantillons alimentaires testés contiennent des traces détectables de glyphosate, parfois supérieures aux seuils de sécurité définis par les autorités sanitaires.
5. Un enjeu de santé publique et écologique majeur
Face à la montée des preuves scientifiques, plusieurs pays européens ont amorcé des restrictions, voire des interdictions progressives de l’usage du glyphosate. Cependant, son remplacement par des alternatives réellement durables reste un défi.
La transition vers une agriculture régénérative, moins dépendante des herbicides chimiques, est essentielle pour protéger non seulement les écosystèmes, mais aussi la santé humaine à long terme.
La vigilance des professionnels de santé est cruciale : reconnaître les effets possibles d’une exposition chronique, promouvoir la prévention nutritionnelle (antioxydants, probiotiques) et participer à la sensibilisation du public constituent des leviers indispensables.
Références
- Environmental Health Perspectives
- International Journal of Environmental Research and Public Health
- Journal of Toxicology and Environmental Health
- Environmental Sciences Europe
- Frontiers in Endocrinology
- Food and Chemical Toxicology
- Journal of Agricultural and Food Chemistry