Introduction
La production d’acide chlorhydrique (HCl) par l’estomac est un pilier essentiel de la digestion et de l’immunité gastro-intestinale. Contrairement aux idées reçues, l’hypochlorhydrie — un estomac trop peu acide — est beaucoup plus fréquente que l’hyperacidité. Ce déficit perturbe la dégradation des aliments, l’absorption des micronutriments et favorise la prolifération microbienne, contribuant ainsi au reflux gastro-œsophagien, aux carences nutritionnelles et aux infections digestives.
1. Rôle physiologique de l’acide chlorhydrique
L’acidité gastrique remplit plusieurs fonctions vitales :
• Activation enzymatique : l’HCl convertit le pepsinogène en pepsine, indispensable à la digestion des protéines.
• Absorption des nutriments : l’acidité optimise l’assimilation du fer, du calcium, du magnésium, du zinc et de la vitamine B12.
• Protection immunitaire : l’environnement acide constitue une barrière contre les agents pathogènes oraux et alimentaires.
• Stimulation du transit digestif : le pH gastrique régule l’ouverture du pylore et prépare l’activité enzymatique pancréatique et biliaire.
2. Hypochlorhydrie : un trouble sous-diagnostiqué
La baisse d’acidité gastrique est fréquente, particulièrement après 40 ans. Elle est amplifiée par :
• l’alimentation raffinée et pauvre en nutriments,
• le stress chronique,
• la prise prolongée d’inhibiteurs de la pompe à protons (IPP),
• l’infection à Helicobacter pylori,
• le vieillissement physiologique.
Cette hypochlorhydrie entraîne :
• une digestion incomplète des protéines,
• des ballonnements, fermentations et reflux paradoxal,
• des déficits nutritionnels persistants, notamment en B12 et fer,
• un risque accru de SIBO (prolifération bactérienne de l’intestin grêle).
3. Conséquences systémiques
Un déficit d’acidité gastrique n’impacte pas seulement la digestion :
• Métabolisme : carences micronutritionnelles favorisant fatigue, anémie et fragilité immunitaire.
• Immunité : augmentation de la perméabilité intestinale et du risque infectieux.
• Santé osseuse et cognitive : malabsorption du calcium, du magnésium et de la B12 à long terme.
4. Approches de correction
La prise en charge doit viser à restaurer la fonction gastrique de manière progressive :
• réduction de la prise injustifiée d’IPP,
• alimentation riche en nutriments, amers digestifs et mastication approfondie,
• prise en compte de H. pylori en cas de symptômes persistants,
• supplémentation ciblée (Bétaïne HCl et enzymes digestives) lorsque nécessaire, en supervision médicale.
Conclusion
L’acidité gastrique est un déterminant majeur de la santé digestive, immunitaire et métabolique. L’hypochlorhydrie, largement sous-diagnostiquée, constitue un facteur clé de carences nutritionnelles, de dysbiose et de troubles digestifs chroniques. Sa prévention et sa correction représentent un axe essentiel de la prise en charge fonctionnelle et intégrative des troubles gastro-intestinaux.
Références
• Feldman M, Friedman LS, Brandt LJ. Sleisenger and Fordtran’s Gastrointestinal and Liver Disease. Elsevier, 2020.
• Martinsen TC, Bergh K, Waldum HL. « Gastric acid secretion and disease: Hypochlorhydria and hyperchlorhydria. » Scand J Gastroenterol. 2005.
• Vaezi MF. « Gastroesophageal reflux disease and proton pump inhibitor therapy. » Clin Gastroenterol Hepatol. 2020.
• Lombardo L et al. « Hypochlorhydria and bacterial overgrowth. » Dig Dis Sci. 2010.
