Certains polluants altèrent directement la conversion T4 → T3, créant une hypothyroïdie fonctionnelle souvent non détectée.
L’équilibre thyroïdien repose sur un mécanisme précis : la thyroxine (T4), forme inactive, doit être convertie en triiodothyronine (T3), forme active. Cette conversion dépend d’enzymes sensibles, les déiodinases. Or de nombreux polluants environnementaux interfèrent avec ces enzymes, perturbant la production de T3 sans modifier les taux classiques de TSH. Résultat : une hypothyroïdie fonctionnelle, invisible aux bilans standards mais bien réelle sur le plan clinique.
1. Le rôle central des déiodinases
Les enzymes D1, D2 et D3 régulent :
- L’activation de T4 en T3
- L’inactivation de T3 en rT3
- L’équilibre global du métabolisme énergétique
Ce système est extrêmement réactif au stress oxydatif, aux métaux lourds, au manque de sélénium et à certaines toxines lipophiles.
2. Les polluants qui perturbent la conversion
Plusieurs familles de molécules environnementales sont connues pour perturber les déiodinases et le transport des hormones thyroïdiennes :
- Pesticides organochlorés
- PCB et dioxines
- PFOA / PFAS (composés perfluorés)
- Bisphénols (BPA, BPS)
- Retardateurs de flamme (PBDE)
- Métaux lourds : mercure, cadmium
Ces substances imitent, bloquent ou déplacent les hormones thyroïdiennes au niveau cellulaire.
3. Une hypothyroïdie invisible aux analyses classiques
Dans ces perturbations :
- La TSH reste souvent normale
- La T4 reste normale
- La T3 chute ou peine à entrer dans les cellules
- La rT3 augmente
Cette discordance crée une “hypothyroïdie cachée”, sous-diagnostiquée car les marqueurs standards ne détectent pas la mauvaise conversion T4 → T3.
4. Conséquences métaboliques
Un déficit de T3 active entraîne :
- Fatigue persistante
- Métabolisme ralenti
- Froid constant
- Difficulté à perdre du poids
- Troubles cognitifs
- Humeur basse
- Alopécie diffuse
Dans de nombreux cas, l’origine n’est pas la glande thyroïde, mais une inhibition périphérique de la conversion hormonale.
5. Pourquoi les polluants ciblent-ils la thyroïde ?
Les hormones thyroïdiennes sont essentielles pour :
- Le cerveau
- Le métabolisme cellulaire
- Le développement embryonnaire
- L’équilibre énergétique
Elles possèdent une structure chimique facilement imitée par certaines molécules industrielles, ce qui explique leur vulnérabilité aux perturbateurs endocriniens.
6. Soutenir la conversion T4 → T3
Les clés pour limiter l’impact des perturbateurs thyroïdiens :
- Optimiser l’apport en sélénium et zinc
- Réduire l’exposition aux plastiques chauffés et aux PFAS
- Favoriser la sudation (sport, sauna)
- Augmenter les antioxydants pour réduire le stress oxydatif
- Surveiller T3 et rT3 en cas de symptômes persistants
Conclusion
Les perturbateurs thyroïdiens n’agissent pas en diminuant la T4 ou en augmentant la TSH, mais en sabotant la conversion vers T3, la forme active. Cette hypothyroïdie fonctionnelle passe sous les radars des analyses classiques mais provoque des symptômes réels. Comprendre ces mécanismes permet enfin de relier pollution quotidienne, fatigue chronique et ralentissement métabolique.
Références
- Boas M et al. “Endocrine-disrupting chemicals and thyroid function.” European Journal of Endocrinology, 2012.
- Gore AC et al. “EDCs and thyroid hormone disruption.” Endocrine Reviews, 2020.
- Zoeller RT. “Environmental chemicals that interfere with thyroid hormone action.” Thyroid, 2007.
- Leung AM, Braverman LE. “Environmental exposures and thyroid dysfunction.” Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism, 2014.
