Nourriture et santé


Seul 0,1 % de notre ADN diffère d’un individu à l’autre.

Mais cette proportion, si infime soit-elle, entraîne des différences notables, qu’elles soient visibles (couleur des yeux, des cheveux, de la peau, taille…) ou non. En effet, notre ADN modifie aussi, entre autres, notre façon d’absorber et d’assimiler les aliments. La nutrigénétique et la nutrigénomique ont pour objectif de nous aider à mieux comprendre les interactions des nutriments et micronutriments – dont la vitamine D – avec notre génome.
La nutrigénétique et la nutrigénomique permettent de tenir compte du fait que « tout le monde n’a pas les mêmes besoins » commence Patrick Borel, directeur de recherche au Centre Cardio Vasculaire et Nutrition (C2VN) de Marseille et spécialisé en nutrigénétique. « Ces recherches aideront à faire de la nutrition plus personnalisée, notamment en prenant en compte notre génotype. Nous en sommes encore loin aujourd’hui, mais avec les progrès actuels du génotypage, du haut-débit et des big data, cela reste envisageable. Le but ultime serait d’arriver à faire des recommandations spécifiques pour chaque individu ».
Prédire pour mieux guérir
En consommant une même dose de vitamine, chaque personne va réagir différemment
Patrick Borel et son équipe font des études cliniques afin de tester des variations génétiques dans notre ADN sur l’absorption des vitamines : c’est la nutrigénétique. « Des variations génétiques mineures dans notre ADN entraînent des différences dans notre capacité à assimiler certaines vitamines, c’est ce que nous avons réussi à prouver en effectuant une étude sur 40 personnes. C’est un petit nombre pour une étude génétique, mais ça n’en est pas moins la première étude montrant un effet significatif de variations génétiques sur l’absorption de certaines vitamines ». Les résultats montrent qu’en consommant une même dose de vitamine, chaque personne va réagir différemment en assimilant 20, 50, 70 % de la vitamine… « Nous parlons de polymorphisme génétique lorsque la modification de l’ADN n’entraîne pas de pathologie, et de mutation lorsque celle-ci engendre une maladie. Par exemple, on peut réguler plus ou moins bien notre taux de sucre dans le sang (glycémie), sans pour autant être diabétique » explique Patrick Borel. L’un des objectifs ? Arriver à définir un score d’assimilation des nutriments, en fonction de notre ADN, de façon prédictive. Son collègue, le chercheur Jean-François Landrier, est, de son côté, spécialisé en nutrigénomique. « Nous nous intéressons aux effets biologiques des nutriments et micronutriments sur notre corps, qui sont médiés par des régulations de l’expression de nos gènes, et plus particulièrement, au lycopène, au bêta-carotène – qui est la source de la vitamine A – ou encore à la vitamine D sur la biologie du tissu adipeux ».
La vitamine D, indispensable pour notre organisme
« La vitamine D étant capable de fixer le calcium sur les os, nous avons longtemps pensé qu’elle avait uniquement un rôle au niveau squelettique. Or, nous sommes en train de découvrir qu’elle est aussi importante pour notre force musculaire, notre système immunitaire, notre métabolisme énergétique… Cette vitamine a donc des fonctions extrasquelettiques ». Dans l’idéal, le seuil optimal qu’il faudrait que nous atteignions est fixé à 30 nanogrammes par millilitre (ng / mL) de plasma, même si, en réalité 20 nanogrammes peuvent suffire pour être en bonne santé. Le fait d’être en dessous de ce seuil n’est pas grave en soi : avant de développer des maladies comme l’ostéomalatie (qui se produit lorsque nos os ne sont pas suffisamment calcifiés) ou le rachitisme, il faut être en-deçà de 10 ng / mL, et ce, pendant un certain temps. Cependant, des cas de rachitisme ont été recensés récemment, même dans les pays en voie de développement alors que l’on pensait cette maladie disparue. « Même s’il n’y a pas lieu de paniquer, il y a, à l’heure actuelle, un grand nombre de personnes sont en situation d’insuffisance au sein de la population, que ce soit au niveau français, européen, ou même mondial » souligne Jean-François Landrier.
Mais alors, où trouver de la vitamine D ? Elle peut être absorbée via certains aliments comme les poissons gras (saumon, thon, hareng…), dont il ne faut pas abuser par ailleurs. En effet, l’Anses recommande de ne pas dépasser une à deux portions par semaine afin d’éviter les risques de surexposition aux métaux lourds. Notre organisme est aussi capable d’en produire au niveau de notre peau, grâce au soleil. « Nos habitudes de vie et notre sédentarité sont un gros problème puisqu’elles limitent grandement la synthèse cutanée de cette vitamine » précise Jean-François Landrier. « Par ailleurs, pour aller plus loin, l’un de nos projets en cours est de comprendre les effets d’une déficience au cours de la période gestationnelle : quels sont les impacts d’une carence sur la descendance ? Cela prédispose-t-il à la survenue de désordres métaboliques à l’âge adulte ? Nous en saurons plus prochainement ». Grâce à ces recherches en nutrigénétique et nutrigénomique, nous pourrons, à l’avenir, mieux prévenir certaines maladies, mais aussi adapter notre alimentation à nos besoins en nutriments et micronutriments.

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