Questions non résolues en matière de nutrition périopératoire


Les patients chirurgicaux courent un risque accru de résultats négatifs s’ils sont mal nourris ou risquent de l’être avant l’opération. L’optimisation de l’état nutritionnel doit être une priorité tout au long du continuum périopératoire afin de promouvoir de meilleurs résultats chirurgicaux. Les protocoles ERAS (Enhanced Recovery After Surgery) sont de plus en plus appliqués en milieu chirurgical mais ne sont pas encore très répandus. Cette revue narrative s’est concentrée sur les domaines de la nutrition péri-opératoire qui sont perçus comme controversés ou qui ne font pas l’objet d’un consensus.

Une recherche de la littérature disponible a été effectuée le 1er mars 2022 et les articles pertinents de haute qualité publiés depuis 2015 ont été pris en compte pour l’inclusion. La plupart des outils de dépistage de la malnutrition ne sont pas spécifiques à la population chirurgicale, à l’exception du Perioperative Nutrition Screen (PONS), bien que d’autres initiatives à grande échelle soient nécessaires pour améliorer la prévalence du dépistage nutritionnel préopératoire. La mauvaise santé musculaire est fréquente chez les patients souffrant de malnutrition et aggrave encore les résultats négatifs sur la santé, ce qui indique que la prévention, la détection et le traitement sont d’une grande importance dans cette population. Bien qu’il n’y ait pas de consensus sur les personnes qui devraient recevoir une thérapie nutritionnelle préopératoire, les preuves suggèrent un impact positif sur la santé musculaire. En outre, le soutien nutritionnel postopératoire est bénéfique pour les résultats de la chirurgie, certains patients nécessitant une alimentation entérale et/ou parentérale et bénéficiant d’une immunonutrition. L’importance de la nutrition va au-delà du temps passé à l’hôpital et doit rester une priorité après la sortie. L’impact d’une nutrition individuelle ou personnalisée basée sur certaines caractéristiques des patients reste à étudier plus avant. Dans l’ensemble, l’importance de la nutrition périopératoire est évidente dans la littérature, malgré certains points de désaccord.

…Actuellement, il n’existe que peu d’études portant sur le potentiel de la nutrition personnalisée chez le patient chirurgical. Le terme “médecine personnalisée” renvoie à l’observation selon laquelle tous les patients ne répondent pas de la même manière aux thérapies médicales [122]. Par exemple, alors que certains patients peuvent tirer un bénéfice marqué d’une thérapie nutritionnelle, d’autres patients peuvent ne pas en tirer de bénéfice ou même subir un préjudice du fait de cette intervention [123]. Le fait qu’un patient bénéficie ou non d’une thérapie nutritionnelle peut être lié à des facteurs spécifiques à la maladie (par exemple, le type de chirurgie, le type de tumeur chez les patients en oncologie, les comorbidités, l’évolution aiguë ou chronique, une inflammation élevée ou faible) ou à des facteurs spécifiques au patient (par exemple, l’âge et l’origine ethnique). En outre, plusieurs études suggèrent que des biomarqueurs spécifiques et des signatures métabolomiques peuvent nous permettre d’identifier les patients qui bénéficieront ou non d’une thérapie nutritionnelle – ou aider à sélectionner les patients pour des interventions nutritionnelles spécifiques [123]. De tels marqueurs favoriseront l’utilisation d’une thérapie nutritionnelle plus individualisée, en particulier chez les patients pour lesquels la probabilité que les thérapies nutritionnelles aient le plus d’effet est élevée. Pour les patients hospitalisés, les analyses secondaires de l’essai multicentrique randomisé EFFORT [124], qui a inclus plus de 2000 patients dans 8 hôpitaux suisses, suggèrent que les patients présentant une inflammation élevée (par rapport à une inflammation faible ou modérée) tirent moins de bénéfices de la thérapie nutritionnelle [123], tandis que les concentrations d’albumine et plusieurs marqueurs métabolomiques n’étaient pas associés à la réponse nutritionnelle [125,126]. Il est intéressant de noter qu’il y avait une forte association entre de faibles concentrations d’albumine sérique à l’admission et une évolution clinique défavorable, mais les patients ayant une faible concentration d’albumine n’ont pas bénéficié davantage d’un soutien nutritionnel, ce qui montre que les biomarqueurs nutritionnels peuvent avoir des implications pronostiques mais ne sont pas forcément utiles pour sélectionner les patients pour un traitement nutritionnel [126]. D’autres analyses secondaires de l’essai EFFORT [124] ont montré que la force de préhension [127] et la stratification selon les critères GLIM [128] fournissaient des informations modestes sur le bénéfice potentiel du traitement. On ignore encore aujourd’hui si ces associations sont également vraies pour le patient chirurgical et des recherches futures sont nécessaires pour mieux phénotyper le patient chirurgical ayant besoin d’un soutien nutritionnel afin d’être plus efficace dans le traitement de la malnutrition….

L’état nutritionnel est un aspect critique de l’état général du patient qui doit être pris en compte, et optimisé, tout au long de la période périopératoire. Malgré les progrès et l’intégration accrue du dépistage, de l’évaluation et de l’optimisation nutritionnels, les patients continuent de subir une intervention chirurgicale sans que leur état nutritionnel soit pris en compte. Des processus standardisés sont nécessaires pour promouvoir l’intégration généralisée de directives et de parcours chirurgicaux fondés sur des données probantes et liés à la nutrition. Les recherches futures devraient se concentrer sur les sujets controversés de la nutrition péri-opératoire afin de mieux comprendre les meilleures pratiques.

Source :https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S026156142200173X#!

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