Preuve du transfert horizontal de gènes entre le microbiome maternel humain et le microbiome intestinal du nourrisson

Des chercheurs ont découvert un nouveau mode de transmission verticale du microbiome de la mère à l’enfant, où les microbes de l’intestin maternel partagent des gènes avec les microbes de l’intestin de l’enfant pendant la période périnatale, qui commence immédiatement avant la naissance et se prolonge pendant les premières semaines après la naissance. Ce transfert horizontal de gènes a permis aux souches microbiennes maternelles d’influencer la capacité fonctionnelle du microbiome de l’enfant, en l’absence de transmission persistante des souches microbiennes elles-mêmes. Une telle analyse intégrative à grande échelle, présentée le 22 décembre dans la revue Cell, fournit une série d’instantanés à haute résolution de la dynamique de la colonisation intestinale qui influence le développement du nourrisson avant et après la naissance.
“Il s’agit de la première étude décrivant le transfert d’éléments génétiques mobiles entre les microbiomes maternels et infantiles”, déclare l’auteur principal de l’étude, Ramnik Xavier, du Broad Institute du MIT et de Harvard. “Notre étude a également, pour la première fois, intégré le microbiome intestinal et les profils métabolomiques de la mère et du nourrisson et a découvert des liens entre les métabolites intestinaux, les bactéries et les substrats du lait maternel. Cette enquête représente une perspective unique sur le co-développement des microbiomes intestinaux et des métabolomes du nourrisson sous l’influence de facteurs maternels et alimentaires connus.”
Les bactéries intestinales favorisent la maturation du système immunitaire en partie par la production de métabolites microbiens. Le développement du microbiome intestinal du nourrisson suit des schémas prévisibles, à commencer par la transmission des microbes par la mère à la naissance. Outre la maturation du système immunitaire, les métabolites microbiens influencent également le développement cognitif précoce. La période périnatale représente une fenêtre critique pour le développement des systèmes cognitif et immunitaire, favorisé par le microbiote intestinal maternel et infantile et ses métabolites. Néanmoins, le co-développement des microbiomes et des métabolomes pendant la période périnatale et les déterminants de ce processus ne sont pas bien compris.
Pour combler ce manque de connaissances, Xavier et ses collègues ont suivi le co-développement des microbiomes et des métabolomes de la fin de la grossesse à l’âge d’un an en utilisant des données multi-omiques longitudinales provenant d’une cohorte de 70 dyades mère-enfant. Ils ont découvert un transfert interespèces à grande échelle d’éléments génétiques mobiles de la mère au nourrisson, impliquant fréquemment des gènes associés à des adaptations liées au régime alimentaire. Les métabolomes intestinaux des nourrissons étaient moins diversifiés que les métabolomes maternels, mais présentaient des centaines de métabolites uniques et des associations microbe-métabolite non détectées chez les mères. Les métabolomes et les signatures des cytokines sériques des nourrissons qui recevaient des préparations régulières, mais non fortement hydrolysées, étaient différents de ceux des nourrissons nourris exclusivement au sein.
“L’intestin du nourrisson abrite des milliers de métabolites uniques, dont beaucoup ont probablement été modifiés par les bactéries intestinales à partir des substrats du lait maternel”, explique Tommi Vatanen (@tvatanen), co-auteur principal de l’étude avec Karolina Jabbar, toutes deux du Broad Institute du MIT et de Harvard. “Beaucoup de ces métabolites ont probablement un impact sur le système immunitaire et le développement cognitif”.
La grossesse était associée à une augmentation des composés stéroïdiens, y compris les dérivés de l’hormone gonadique et les intermédiaires de la biosynthèse des acides biliaires, dont plusieurs étaient indépendamment liés à l’intolérance au glucose. Bien que les métabolomes intestinaux du nourrisson soient moins diversifiés que ceux de la mère, les chercheurs ont détecté plus de 2 500 caractéristiques métabolomiques propres au nourrisson. De plus, ils ont identifié de nombreuses associations spécifiques au nourrisson entre les espèces bactériennes et les métabolites fécaux, y compris les neurotransmetteurs et les modulateurs immunitaires.
“Nous avons été surpris de constater que des bactéries intestinales maternelles rarement observées chez le nourrisson contribuaient à la structure du microbiome intestinal du nourrisson”, explique Xavier. “Nous avons également trouvé des preuves que les prophages – des bactériophages dormants, ou des virus qui résident sur les génomes bactériens – contribuent à l’échange d’éléments génétiques mobiles entre les microbiomes maternels et infantiles.”
Les auteurs affirment que le microbiome maternel peut façonner le microbiome intestinal du nourrisson par le biais d’un transfert horizontal de gènes, en dehors de la transmission verticale classique des souches et des espèces. En outre, l’identification de profils métabolomiques distincts et d’interactions microbes-métabolites dans l’intestin du nourrisson constitue une plateforme pour une étude plus approfondie des contributions microbiennes au développement du nourrisson.
L’une des limites de l’étude réside dans le fait que les chercheurs n’ont pas pris en compte les changements de régime alimentaire et de mode de vie entre la grossesse et la période post-partum, qui peuvent avoir affecté les altérations du microbiome et du métabolome. Dans de futures études, ils prévoient d’explorer davantage les liens entre les bactéries et les métabolites et d’étudier la production métabolique bactérienne spécifique à la souche en utilisant des bactéries isolées in vitro.
“Dans l’ensemble, notre analyse intégrative élargit le concept de transmission verticale du microbiome intestinal et fournit de nouvelles informations sur le développement des microbiomes et des métabolomes de la mère et du nourrisson en fin de grossesse et au début de la vie”, déclare Xavier.
Source :https://www.cell.com/cell/fulltext/S0092-8674(22)01467-2