La sphère orale, cible et marqueur de l’exposition environnementaleII. Maladies diagnostiquées chez l’adulte

L’impact environnemental sur la santé repose sur l’implication de cibles moléculaires jouant le rôle de médiateurs directs ou indirects des agents environnementaux à l’origine des perturbations que l’on observe.
Ces médiateurs peuvent être des récepteurs d’hormones, de neurotransmetteurs ou de facteurs de croissance, des canaux ioniques, qui stimulent les cellules afin qu’elles s’adaptent aux conditions auxquelles elles sont confrontées.
Un élément constitutif de la cavité buccale, en plus des cellules et des tissus la constituant, est le microbiote oral. Il s’agit d’une communauté de bactéries riche et diversifiée comptant plus de 1 500 espèces identifiées à ce jour. C’est un constituant majeur de la santé bucco-dentaire. Le microbiote oral est propre à chaque individu, puisqu’on dénombre 250 à 300 espèces de bactéries par individu qui colonisent les surfaces muqueuses de la bouche (langue, gencive, palais) ou minéralisées (surface amélaire), à l’interface entre la dent et le parodonte, ou dans la salive, que ce soit dans un état sain ou pathologique. Moins de 5 % des bactéries de ce microbiote oral identifiées à ce jour s’avèrent pathogènes, mais leur proportion par rapport aux bactéries associées à un état sain constitue une signature des parodontites .
Aujourd’hui, les états de déséquilibres entre l’hôte et son microbiote buccal à l’origine des maladies carieuse et parodontale sont de mieux en mieux caractérisés. Cependant, s’il est admis que le réservoir bactérien que constitue la cavité buccale représente une source d’infections pour des tissus distants, le rôle du microbiote buccal dans ces affections à distance reste discuté. Les populations bactériennes buccales, leurs métabolites et leurs facteurs de virulence, sont susceptibles d’entraîner une inflammation locale, dont la chronicité aboutit à une réponse immunitaire qui pourra exacerber, à distance, une pathologie d’organe. Inflammation, réponse immunitaire et microbiote se rejoignent ainsi dans un cercle vicieux. Les maladies parodontales, associées à une charge bactérienne importante et à une défaillance du système immunitaire, sont ainsi des facteurs de comorbidité de différentes maladies d’organes, comme les maladies pulmonaires et rénales. Elles ont également été associées à la polyarthrite rhumatoïde, à la maladie d’Alzheimer, à la maladie de Crohn et aux maladies cardio-vasculaires. Un nombre croissant d’études cliniques suggère que la maladie parodontale aggrave également l’issue des accidents vasculaires cérébraux (AVC) . Cependant, les mécanismes sous-jacents restent mal connus. Les saignements gingivaux répétitifs caractéristiques de cette maladie entraînent une bactériémie retrouvée fréquemment, bien que cliniquement silencieuse, avec l’entrée de pathogènes parodontaux, tels que Porphyromonas gingivalis, dans la circulation sanguine. Lors de la restauration du flux sanguin, ou reperfusion, dans le cerveau ischémique à l’issue d’un AVC, la présence de cette bactérie dans la circulation pourrait perturber les fonctions cellulaires impliquées dans les processus de réparation du cerveau, notamment à cause des protéases produites par la bactérie, les gingipaïnes, dont on sait qu’elles sont capables de provoquer la protéolyse de certains récepteurs immunorégulateurs présents à la surface des cellules immunitaires et de certaines cellules stromales, ce qui pourrait affecter la récupération de l’AVC chez les patients atteints de maladie parodontale.
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